Revue de presse: coexistence entre abeilles sauvages et abeilles domestiques

Vous avez peut-être lu les articles parus récemment dans la presse (1) sur la compétition entre abeilles sauvages et abeilles domestiques. Nous avons lu pour vous une série d’articles, y compris des articles scientifiques afin d’y voir plus clair et d’approfondir nos connaissances sur un sujet qui nous concerne.

Dans cet article, nous vous faisons la synthèse des éléments essentiels suivants:

• Service de pollinisation
• Coexistence abeilles sauvages / abeilles domestiques
• Ce que disent les études publiées

Service de pollinisation

Tous confirment l’importance du service rendu par les insectes pollinisateurs sur les plantes sauvages et cultivées. Sur 109 espèces cultivées, pas moins de 87 espèces (soit 80% des espèces) dépendent des pollinisateurs. On estime à 350 millions par an la valeur économique de la contribution des pollinisateurs à l’agriculture suisse. Le déclin des abeilles en Europe comme en Amérique du Nord est avéré par de nombreuses études. Par conséquent, il met en péril notre alimentation et le maintien de nos écosystèmes. C’est pour éviter les scénarios les plus défavorables à l’agriculture et à l’environnement que la mise en place d’importantes mesures de conservation en faveur de ces insectes indispensables est aujourd’hui une nécessité absolue.

Coexistence abeilles sauvages / domestiques

Les abeilles domestiques en Europe sont au nombre d’une seule espèce : Apis Mellifera avec en particulier la sous-espèce Apis Mellifera Carnica, votre abeille carnica. A contrario, il y a plus de 600 espèces d’abeilles sauvages en Suisse. On distingue parmi les abeilles sauvages 2 types : les abeilles sauvages oligolectiques, qui ne récoltent le pollen que sur une seule famille de plantes et les abeilles sauvages polylectiques, celles qui récoltent sur plusieurs types de plantes.

Alors que le gîte est offert à l’abeille domestique par l’apiculteur, l’abeille sauvage doit trouver son logis dans des brindilles, coquilles, feuilles mortes ou dans la terre. Une colonie d’abeilles domestiques peut comporter jusqu’à 50’000 individus (dont 1/3 de butineuses en pleine saison). L’abeille sauvage vit plutôt en famille d’une dizaine d’individus. En ce qui concerne l’alimentation de l’abeille domestique, une même colonie peut récolter nectar et pollen sur plus de 100 espèces différentes dans un rayon de 3km. L’abeille sauvage polylectique peut récolter sur plusieurs familles de plantes jusqu’à 300m autour de son nid. C’est plus restreint pour les abeilles sauvages oligolectiques, une seule famille de plante jusqu’à 300m autour du nid.

Études publiées

De nombreuses études ont été publiées sur la coexistence entre les abeilles sauvages et les abeilles domestiques, en particulier sur l’impact de l’introduction de ruches en grande quantité dans les milieux semi-naturels ou dans les zones de cultures. Une étude réalisée en Suède (2) sur des champs de colza montre que l’introduction en pleine saison de 200 ruches au km2 (densité utilisée pour la pollinisation des cultures) a un impact négatif sur la flore d’abeilles sauvages, en particulier pour les champs de taille réduite où l’abeille domestique a aussi accès au milieu semi-naturel (hors champ de colza) et se nourrit d’une partie des ressources de nectar et de pollen depuis ce milieu sans que l’abeille sauvage puisse trouver des ressources complémentaires au vu de son faible rayon d’action. A contrario, une étude réalisée en Allemagne (3) montre que l’introduction en pleine saison d’une plus faible densité de ruches (3 ruches au km2) est profitable et crée des synergies entre abeilles sauvages et abeilles domestiques. Il n’existe aucune étude spécifique sur la compétition entre abeilles sauvages et abeilles domestiques en ville. Toutefois, plusieurs études montrent qu’un nombre important d’espèces sauvages y sont présentes. La ville est donc aussi propice à la sauvegarde des abeilles sauvages.

Nos remarques sont les suivantes :

  • Est questionnée dans ces articles la pertinence de la pratique apicole professionnelle (transhumance de plusieurs milliers de ruches sur un site où les ressources sont à partager) et l’installation de ruches dans des réserves naturelles, qui n’apportent pas un service de pollinisation supplémentaire par rapport au service déjà rendu par les abeilles sauvages
  • Le manque de ressources est systématiquement souligné. Bees4You encourage ses clients à accompagner la mise en place des ruches par un apport en ressources mellifères (prairie fleurie, jachère). Cela permet d’augmenter les ressources disponibles localement. Une belle prairie a été installée dans ce but sur le site The Hive (Hiag Immobilier) à Meyrin et la terrasse d’UBS aux Acacias a été récemment végétalisée, par exemple.
  • Les projets Bees4You concernent une dizaine de ruches par site au maximum. Nous sommes loin des 200 ruches au km2 testées lors des expériences citées plus haut. Pour remettre quelques chiffres en perspective, environ 2’700 colonies d’abeilles butinent dans le canton de Genève, soit une densité d’environ 10 ruches au km2, et une densité moindre en ville (2 ruches au km2, estimation Bees4You) où les ressources sont plus abondantes.

En conclusion, il est possible et même nécessaire de protéger les deux types d’abeilles, sans distinction ni aucune forme de «favoritisme». L’avantage de l’apiculture urbaine est donc d’offrir aux abeilles un environnement quasiment exempt de pesticides et offrant une plus grande variété de ressources mellifères. L’approche innovante de Bees4You, qui consiste à proposer à des entreprises de toutes tailles de participer à cette démarche environnementale pour l’abeille domestique, joue aussi un rôle fondamental de sensibilisation et d’aide à la prise de conscience.


(1) N. Jollien, « Les ruches en ville, une fausse bonne idée », 2018, Le Temps
(2) S. Lindstöm et al., 2016, “Experimental Evidence that Honeybees depress Wild Insec Densities in a Flowering Crop”, Royal Society Proceedings B
(3) I. Steffan-Dewenter and T. Tscharntke, “Resource overlap and possible competition between honey bees and wild bees in central Europe”, 2000, Oecologia