Nicolas Marsault: entrepreneur à temps partiel

Créer sa société sans risquer la banqueroute, c’est possible: en consacrant une partie de son temps à son projet, tout en continuant de travailler comme salarié. Les questions à se poser avant de vous lancer. Par Mehdi Atmani et Marie Maurisse

 

(…) C’est lors d’un jogging dans le Jardin botanique de Genève que Nicolas Marsault trouve sa vocation. Nous sommes au début des années 2010. En sueur, le contrôleur financier chez Merck Serono tombe sur l’apiculteur qui ouvre les ruches du parc. Le déclic est là. En rentrant, il en parle à sa femme qui lui offre quelques semaines plus tard une formation d’apiculteur d’un an au Rucher-Ecole de Lullier (GE). «Il s’agissait d’une dizaine de séances échelonnées sur la saison apicole», raconte-t-il. Tous les samedis, Nicolas Marsault se forme, par passion. «Il n’était pas question d’en faire une activité professionnelle.»

Un week-end à Paris va changer la donne. Une amie lui parle de l’installation de ruches sur le toit de son entreprise. «Je savais que ce concept de biodiversité urbaine faisait fureur à Paris et à Londres, mais n’existait pas à Genève.» De retour en Suisse, Nicolas Marsault, qui travaille à plein-temps, transforme sa passion en projet. «De par mon métier, je connaissais très bien le monde des entreprises à Genève. J’avais un bon réseau. Je me suis dit que j’avais les bonnes entrées et la crédibilité pour convaincre des sociétés d’installer des ruches sur leur toit.» Nicolas Marsault postule alors au prix IDDEA qui récompense et accompagne chaque année un projet d’entreprise durable et innovante.

Tous les soirs, après le travail, Nicolas Marsault est coaché pour développer son futur modèle d’affaires. Six mois plus tard, le verdict tombe. Le jeune apiculteur remporte le prix et bénéficie gratuitement de l’accompagnement de Genilem pour une durée de trois ans. Le quadragénaire décroche aussi son premier client: la Fédération des entreprises romandes.

Baptisée Bees4You, la société naît en 2012. C’est à ce moment-là que Nicolas Marsault en parle à son employeur, par «loyauté, mais aussi parce que je voulais convaincre Merck Serono d’installer des ruches sur son toit.». Curieuse, la société pharmaceutique n’impose pas son veto, tant que le travail est fait. Nicolas Marsault démarre alors une double activité professionnelle.

Pendant un an, sans réduction de temps de travail, il jongle entre son emploi de contrôleur financier et celui d’apiculteur urbain. «Je regroupais des rendez-vous de prospect pour Bees4You tôt le matin ou en fin de journée.» Les midis, les soirs et les week-ends, Nicolas Marsault visite ses ruches. Six mois après le lancement de la start-up, Merck Serono annonce la fermeture de son site. «Sachant que j’allais perdre mon emploi, j’ai décidé de me consacrer pleinement à mon entreprise. J’ai pu me salarier pendant un an, mais je n’avais pas assez de rentrées.» A l’époque, sa femme entame elle aussi une transition professionnelle en reprenant des études. Le couple a trois enfants et des prêts bancaires à rembourser. «Au bout d’un an, je me suis décidé à reprendre une activité salariée à 50%.» Nicolas Marsault a donc remis son costume de contrôleur financier, maiscette fois chez Prexton Therapeutics. «Ma double activité ne pose pas de problème. J’en ai du reste parlé dès le premier entretien d’embauche.»

A 46 ans, Nicolas Marsault envisage toujours de vivre grâce à Bees4You. La société, qui emploie quatre personnes, fournit aujourd’hui des ruches à une dizaine de sociétés, à Genève. A l’instar d’UBS, du Kempinski, de l’EMS de Lancy. Pourtant, l’apiculteur ne compte pas tirer un trait sur le salariat. «Je garde ces deux activités parce qu’elles s’autoalimentent, confesse Nicolas Marsault. Pour installer des ruches sur le toit des entreprises, il faut connaître ces sociétés. En gardant un pied dans le circuit, je trouve aussi de nouveaux mandats pour Bees4You.»

Extrait du dossier PME Magazine, juillet 2017